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Mia Coiquaud

Rencontre avec Benjamin : il quitte une vocation pour l'éducation


Benjamin, 35 ans, j'habite le Pays Basque. Je suis aujourd'hui professeur des écoles, depuis 2 ans. J'ai été journaliste radio pendant 8 ans, et avant je travaillais en région parisienne sur internet, dans le culturel et la relation client, après avoir fait des études de journaliste radio.


"Mon premier métier, une vocation"


J'ai eu très tôt envie de faire de la radio, j'en faisais dans ma chambre, dès le collège, j'avais du matériel, j'y prenais beaucoup de plaisir et j'avais envie de le professionnaliser. J'ai fait une école de journalisme radio à la sortie du lycée en espérant faire ce métier. Mais j'ai eu beaucoup de désillusions, j'ai passé environ 7 ans à faire autre chose, des métiers que je trouvais, qui pouvaient parfois me correspondre dans le fond, lorsqu'il s'agissait de travailler autour de la culture etc. Donc même si c'était une vocation au tout départ, je ne l'ai réalisée que 7 ans plus tard. Très franchement, j'avais tiré un trait sur cette vocation.


Je la gardais quand même dans un coin de ma tête, et je cherchais toujours des ponts vers ça, tout en me disant qu'il n'y en aurait pas. Et puis un jour quelqu'un de mon école m'a proposé un poste dans une petite webradio à Paris, à mi-temps le week-end. À cette époque j'avais complètement arrêté d'envoyer des candidatures mais j'avais très envie de reprendre le micro, donc je lui dis « Oui ».


"Ça représentait un risque, je venais d'avoir un enfant"

Au départ je souhaitais garder mon travail alimentaire mais à un mi-temps, et faire mes 14 heures le week-end à la webradio. Ça m'a été refusé, alors on a rompu mon contrat. Je savais que j'aurais un droit au chômage en complément de la radio, le temps que j'y augmente mes heures, ce qui a été le cas par la suite. C'était très compliqué de se lancer comme ça, mais je me disais que j'allais pouvoir m'occuper de mon enfant la semaine et puis être à la radio le week-end. Ça faisait 7 ans que je n'avais pas parlé dans un micro, il fallait que je concrétise cette chance. C'était risqué, mais il n'y a rien qui se fait sans prise de risque.


Je quittais un poste en CDI, avec une bonne sécurité financière. Ce n'était pas hyper bien payé, mais je savais que l'argent tombait chaque mois, j'avais aussi la sécurité d'être dans une grande entreprise qui s'occupait bien des salariés, et je suis parti pour un CDD de 3 mois, renouvelable, en 14 heures par semaine. J'étais hyper motivé. J'ai bien fait parce que ça a payé. Je ne regardais pas que l'aspect financier. « Le risque est en miroir de la chance »


J'y suis resté un an en tout, quasiment sur du temps plein à la fin. Ensuite j'ai fait ce qu'il fallait pour pouvoir trouver du travail dans une plus grande radio. J'avais aussi un projet de changement de vie qui était de partir de l'Ile de France. J'ai été embauché dans une grande radio sur une antenne locale dans le sud. J'ai fait déménager ma famille pour prendre ce poste. Tout était nouveau, j'avais des responsabilités, une autonomie totale, on me faisait confiance, j'étais très content. J'avais un réveil à 4 heures du matin toute la semaine pour assurer les matinales, un rythme de vie assez effréné au départ, à vouloir faire tout comme il faut. J'ai rencontré beaucoup de monde, j'ai fait des interviews, des flashs infos, donc j'étais vraiment dans le plaisir de faire un métier-passion.


Au bout de 6 mois la chance se présente à moi, et je change d'antenne locale. Donc on re-déménage dans une autre région, on se retrouve au Pays Basque, ce qui était un projet, une envie au départ.


« Je suis toujours dans le mouvement »


J'adore tout ce que je fais. Au bout de 5 ou 6 ans, je me dis que quand même, je ne vais pas faire ça toute ma vie. En radio, à moins d'être un grand nom connu, on n'est pas hyper bien payé, il n'y avait pas de perspective d'évolution et c'est quand même un rythme de vie fatigant physiquement… Je me dis qu'il va falloir trouver quelque chose d'autre qui me motive parce qu'en plus de ça, le plaisir du début commençait à disparaître, ça devenait de plus en plus routinier. C'était toujours plaisant mais pas aussi passionnant qu'au début. Je donnais les infos le matin donc surtout de mauvaises nouvelles, je commençais à remettre tout le métier de journaliste en question. J'adore la radio, c'est un super média et j'aimerais encore en faire, mais pas dans un contexte d'information. C'est ça qui commençait à me tarauder. J'ai grandi aussi, j'ai passé 30 ans, j'ai gagné en maturité, chaque jour je réfléchis à ce à quoi je sers, à ce que je veux, j'ai besoin de sens, et ce métier me correspond moins.


Donc je commence à regarder ailleurs, à chercher une porte de sortie, avant d'en avoir marre, avant de ne plus avoir d'énergie pour le faire. Et ça c'est très important. La reconversion n'est pas arrivée lorsque j'en ai eu marre.


« Il me semble important de changer de travail avant

d'en avoir marre »


Je n'en ai jamais eu marre de la radio, je me disais seulement que d'ici 5 ou 10 ans ça deviendrait compliqué et qu'il fallait que j'anticipe. Il me semble important de changer de travail avant d'en avoir marre. Ça demande beaucoup d'énergie de se reconvertir, il faut encore en avoir pour préparer ça. À l'époque où je pense à tout ça, c'est la naissance de mon fils, j'ai le congé paternité et les vacances qui s'enchaînent, je coupe du travail pendant 4 à 5 semaines, sans but précis. Je m'occupe de mon enfant et je réfléchis à ce dont j'ai vraiment envie. Très vite, j'ai comme une évidence : je dois travailler avec les enfants. À partir de là, j'ai regardé tous les métiers de la petite enfance, et j'ai interrogé des personnes de mon entourage qui travaillaient avec des enfants, de la crèche aux centres aérés. J'ai fait le tri. J'ai commencé à éplucher des brochures, à recueillir un maximum d'informations, j'ai vraiment consacré quelques mois à ça. Et puis le métier de professeur des écoles est arrivé. C'est un métier qui a du sens au quotidien, de l'intellectuel, du culturel, un investissement sincère avec les enfants, parce que je serai une année entière à les porter avec moi. De là, je regarde les conditions pour devenir professeur des écoles. Je garde mon travail, mais dès le 1er juin je m'achète des livres, je commence la préparation du concours qui est en avril de l'année suivante.


« Je me lance direct, je me donne les moyens,

c'est parti ».


Je ne prends pas le risque financier de l'époque. Je travaille le concours sur mon temps libre. Je m'achète 10 bouquins, je me forme sur internet, je m'organise, je me donne les moyens de réussir. Il y a quand même une prise de risque, c'est que je mets de côté une partie de ma vie de famille, c'est très lourd. Je n'ai aucune idée du temps que je vais mettre à avoir le concours. Je me donne deux ans. Je ne cible que des écoles sur mon département qui est très demandé, car je ne peux pas refaire déménager toute ma famille. Il y a une pression aussi de ce côté-là. Je travaille sur le concours entre 20 et 25 heures chaque semaine en plus de mon travail, c'est très lourd, je me lance sur ce rythme pendant presque un an. Mais je pense que la récompense à l'arrivée est belle, ça m'aide pour cravacher.


« Je n'ai jamais eu peur du vide »


Je suis assez optimiste, quand je pars dans une aventure, je me dis que si je me donne les moyens il n'y a pas de raison que ça ne fonctionne pas. Et puis si les choses ne se passent pas comme prévu je sais que je rebondirai toujours ailleurs. Je n'ai jamais eu peur du vide. Je n'ai pas peur de ce qui peut arriver. Je sais que ce n'est pas simple de trouver un travail, mais la difficulté ne m'effraie pas, et l'idée de reprendre, au besoin, un travail alimentaire non plus. À aucun moment je n'ai eu peur que les choses se passent mal.


Le jour où j'ai eu le concours de l'éducation nationale, j'ai rompu mon contrat avec la radio. Tout est allé très vite. J'apprends au début de l'été que le 3 septembre je vais commencer à travailler dans telle école. Il faut que je prenne rendez-vous avec mon entreprise à Paris pour rompre mon contrat, je passe l'été à essayer de comprendre ce qui m'attend à la rentrée et à m'y préparer. C'est un été un peu spécial, je fais encore de la radio jusque début août. Je me suis préparé au mieux et puis j'ai découvert vraiment ce métier sur le terrain. Je suis déterminé à ma tache, et je n'ai jamais regretté d'avoir quitté la radio. Ça ne m'a jamais traversé. Je suis fier d'occuper cette place d'enseignant, de transmetteur. J'ai l'honneur de la mission que l'on me donne : l'état me fait confiance pour transmettre le savoir aux enfants.


Ma vision des choses :

Si on a vraiment envie de quelque chose, il faut se donner les moyens d'y arriver. J'ai toujours envisagé la vie avec plusieurs métiers, plusieurs options, plusieurs virages, parce qu'on n'a qu'une vie et qu'il faut tester des choses. L'idée n'est pas de prendre des risques en permanence, c'est de bien réfléchir aux choses et quand on sait ce que l'on veut, il faut se donner tous les moyens pour l'obtenir parce que ça en vaut le coup. Et même si on se trompe, ce sont des expériences qui nous serviront toujours après. Il ne faut pas avoir peur. On est dans un pays qui nous sécurise sur beaucoup de choses. C'est important d'être en accord avec ce que l'on fait, d'être bien dans ses baskets, de savoir pourquoi on se lève le matin, de bien vivre avec son travail. Et si on n'a pas le travail dont on rêve, eh bien il me semble important de trouver des activités à côté qui nous nourrissent, qui nous permettent de nous dire que l'on aime ce que l'on fait. Du piano, de la sculpture, de l'écriture seul chez soi, une activité créative ou autre, mais dont on est fier et que l'on pratique plusieurs fois par semaine, qui pourrait s'assimiler à un travail ou à une étude de quelque chose.


« Changer de métier, c'est chercher du sens,

c'est pas de la bougeotte pour la bougeotte »


On est une génération à qui on a vendu beaucoup de rêves autour du diplôme, de la route toute tracée, du confort financier. Je ne connais personne qui s'est reconverti dans le marketing ou la finance. Il y en a peut-être, mais les gens que je connais, passé la trentaine, se sont tournés vers l'éducation, l'agriculture, la santé, des métiers qui ont du sens. Dans la promotion de mon concours, on était plus de trentenaires en reconversion que de petits jeunes. Changer de métier, c'est chercher du sens, c'est pas de la bougeotte pour la bougeotte. C'est un mécanisme global de remettre les choses en question, de remettre des bases saines.


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